Une journée qui commence par deux nouvelles dérangeantes, avec la lecture d’un article sur les dérives de Jean Vanier et un autre sur deux prêtres haut placés des légionnaires du Christ qui ont trahis leur célibat et sont devenus pères de plusieurs enfants.
Que dire…
En réalité je ne suis pas surprise et je crois que je commence à m’habituer, à accepter…
En tant qu’enfant de la communauté des Béatitudes j’ai côtoyé tant de gens pour qui j’avais (et bizarrement pour qui j’ai encore) de l’estime, et qui avaient eux aussi des comportements sexuels non conformes à ce qu’ils prêchaient, qui ont dérivés dans l’abus de pouvoir et l’abus financier que je ne peux que constater la faiblesse de l’être humain.
De mon côté, j’ai aussi expérimenté ma propre faiblesse, mes propres ambivalences, et mon incapacité à tenir mon engagement dans la fidélité à mon mari (qui sera bientôt mon ex-mari d’ailleurs…) et à mon sacrement de mariage. Et je me suis trouvée confrontée à cette incapacité dès le début de mon mariage en plus.
Je connais cette faille et cette ambiguïté de professer et de croire en certaines valeurs, auxquelles on voue toute sa vie, tout en n’arrivant pas à les tenir dans certains actes. Et la souffrance d’une vie déchirée en dedans, avec un extérieur « bien sous tout rapport » que l’on brandit et auquel on s’accroche, mais derrière lequel on se masque, alors qu’à l’intérieur et dans le secret on agit dans le mensonge, en contradiction avec ses valeurs, ou en tout cas avec celles qu’on nous a inculquées.
Culpabilité, honte, découragement, et pourtant il faut continuer d’avancer, croire en la miséricorde, en ce qui est bon en soi, et essayer de mettre sa vie en conformité avec son être profond et tendre à l’unité de l’être, et mettre en accord son faire avec son être.
C’est dur de regarder que l’on est un être imparfait, surtout lorsque l’on baigne dans un milieu qui tend à nous faire croire que la perfection est possible sur cette terre, notamment avec la grâce de Dieu.
« Si j’ai la foi et que je suis converti(e), vraiment converti(e) et que je pratique saintement la religion, il ne peut rien m’arriver, et je suis à l’abri de tous ces comportements mécréants et pécheurs des hommes et des femmes qui ne connaissent pas Dieu, voire qui le rejettent. »
Je ne peux m’empêcher de penser que tout ceci est un leurre, et que les comportements déviants sont loins d’être nouveaux et ont toujours existé, quelles que soient les époques et les religions.
Le tort de la religion catholique en particulier, est d’avoir porté aux nues certaines personnes plus charismatiques que d’autres, en brandissant leurs vies en exemple.
Seulement voilà… Quand on découvre à l’heure actuelle comment l’institution ecclésiale a passé (et passe encore) sous silence de nombreuses failles de ses membres, je me dis que la majorité des saints ne sont sûrement pas ce qu’ils paraissent, et que leurs vices cachés ont été tûs et ignorés, donnant finalement en exemple des modèles impossibles à suivre et mettant une énorme pression et d’énormes fardeaux sur les épaules de tant de membres…
Et que penser du rapport à la sexualité, à la chasteté ? Et de l’exclusion à vie des sacrements de ceux qui sont incapables de vivre la continence ?
Toutes ces affaires semblent nous montrer les failles de cette intransigeance de l’Eglise institution vis à vis de comportement humains pulsionnels mal maîtrisés et mal orientés, comportements humains pourtant inscrits dans notre humanité : l’instinct de survie et celui de la reproduction sont profondément inscrits dans l’inconscient (et le corps) de l’être humain, la recherche du plaisir également (car sans gratification et sans plaisir nous perdons notre élan vital).
Toutes ces pulsions et comportements font partie de notre nature animale, qui quoi qu’on le veuille n’est pas à éradiquer mais à éduquer.
Hors en éliminant un problème, en l’ignorant et en le refoulant, on se prépare uniquement au retour fracassant du refoulé !
Il semble que nos sociétés actuelles (et l’Eglise des hommes en fait partie) se trouvent de plus en plus confrontées aux défaillances de systèmes que l’on pensait solides et quasi parfaits, amené à durer.
Pourtant rien ne dure éternellement sur cette terre, et tout se transforme. C’est le principe même de la vie depuis des millénaires, avec l’ère glaciaire puis la fonte des glaces, la tectonique des plaques, la disparition des dinosaures, celles de nombreux peuples primitifs et civilisations, etc.
Tout se remanie et s’adapte en permanence.
Comment pourrions-nous penser que notre temps serait exempt de modifications dans le temps et l’espace ? En particulier quand ces modifications riment avec destructions…
Et pourtant, la mort et la destruction font partie de la vie, et en réalité, « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ».
Nous sommes invités sans cesse à renaître d’en haut, à construire et à reconstruire, et à ne rien tenir pour acquis, ni dans nos vies ni dans celles des autres.
C’est peut-être la leçon de ces découvertes douloureuses de zones d’ombres (voir de gouffres) là où nous pensions que seule brillait la lumière.
Pourtant la lumière est victorieuse, et en réalité, c’est sûrement sa progression et son intensité croissante qui est à l’origine de ces mises en lumière de vérités dérangeantes.
Accepter les failles (ou du moins les accueillir), faire avec l’horreur de la guerre, de la violence et de la mort, ce n’est pas être fataliste et baisser les bras, c’est accueillir ce qui est, tout simplement.
C’est comprendre que l’humain n’est pas tout puissant et qu’aucun de ses comportements volontaires ou de ses désirs de maîtrise et de contrôle ne pourront aboutir, sans une soumission à un plus grand que soi qui nous dépasse. Nous sommes limités et appelé à découvrir l’illimité au travers de ces limites.
Comment faire l’expérience réelle de la grâce et de la miséricorde sans failles ? Comment comprendre la hauteur et la profondeur de l’amour divin et de la rémission des péchés si l’on reste lisse en surface et qu’on refuse de regarder ses zones d’ombre ? Comment vouloir progresser et se transformer si l’on est déjà parfait ?
Faire l’expérience dans sa chair de ce qui est désagréable en nous, de ce qui nous coupe de Dieu, de soi et des autres, c’est aussi pouvoir faire l’expérience dans sa chair de la miséricorde, du pardon, et de la rédemption, et c’est progresser sur son chemin d’humanité.
Ce n’est pas excuser l’inexcusable et se dire que finalement « tout est permis », mais c’est prendre conscience que si l’humain est capable du beau, du bon et du bien, il est aussi capable du pire.
JE suis capable du pire. Car cette humanité de l’autre est aussi la mienne, et nul ne peut dire dans quel camp il serait, ni de quels actes il serait capable en cas de nouveau conflit armé au niveau mondial.
Nous sommes tous capables du pire, surtout quand notre vie est en jeu. Et ceux qui se pensent exempts d’actes cruels sont peut-être les plus à mêmes de finir par en commettre.
Tout est leçon, et devrait nous amener à nous remettre en question et à revoir notre propre copie. Parce ce que la manière dont nous réagissons à toutes ces révélations douloureuses parlent d’abord de nous, et de ce que nous projetons sur l’autre (et donc sûr nous-mêmes).
C’est une immense chance au final, car lorsque tout s’écroule autour de soi, il nous faut revenir à l’intérieur de soi, et (re)contacter ce qui est source en soi et dépend aussi de plus grand et plus vaste que soi.
C’est donc une occasion de grandir et de (re)construire sur le roc.
Il est heureux que certains hommes soient déchus de leur piédestal et nous remettent de plein pieds dans notre humanité.
C’est à ce prix qu’elle grandit et s’épure de ce qui la dénature.
Elisabeth Cécile