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L’audace récompensée

J’ai lu ce matin l’évangile de ce jour que vous trouverez ci-après (Mc 5, 21-43). Celui de la femme aux pertes de sang, guérie en touchant sans qu’il s’en aperçoive le vêtement de Jésus. Pour la première fois, j’y trouve un sens nouveau.

C’est toujours incroyable de voir comment, des histoires ou des textes entendus des dizaines de fois, sur lesquels on s’est attardé et qu’on a longuement médités, tout d’un coup, sans qu’on ne sache pourquoi, s’éclairent d’une lumière nouvelle, créant des liens entre des choses ou des événements que l’on n’avait jamais pensé à relier entre eux.

Je pense que nous avons tous vécus ce genre d’expérience, mais c’est toujours un miracle et un émerveillement pour moi quand cela arrive. Il y a une magie du temps et de la répétition (ou plutôt de la relecture), qui nous font toucher du doigt que rien n’est jamais exactement pareil, et que l’eau de la rivière ne coule jamais deux fois au même endroit. Tout est toujours nouveau !

Nous pensons souvent que certaines choses se répètent inlassablement, et que les mêmes causes produisent les mêmes effets, mais si nous sommes capables d’observer attentivement, il y a toujours quelque part une subtile différence dans les événements, prête à ouvrir le champ des possibles.

C’est d’ailleurs ce qui était écrit sur le sac de toile que j’ai reçu en cadeau ce week-end lors de ma formation de Gestalt à Paris : « Je développe ma CONFIANCE en moi et TOUT EST POSSIBLE ».

C’est exactement ce dont il est question dans l’évangile d’aujourd’hui, évangile qui nous fait part de deux événements extraordinaires, deux histoires de guérison (dont une de résurrection même), imbriquées l’une dans l’autre, sans que je n’ai jamais encore vraiment compris ce qui les relie l’une et l’autre.

Celle qui me rejoint, c’est celle de cette femme d’un certain âge, souffrant de pertes de sang continuelles depuis 12 ans, et de ce fait considérée comme impure « en permanence » aux yeux de la loi juive.

Pourtant, cette femme a l’audace de croire que son impureté (décrétée par les hommes) ne lui interdit pas de s’approcher de Jésus, de le toucher. Sa foi est si grande qu’elle voit uniquement la puissance de Jésus (elle croit en ce dont il est capable, et qu’elle a peut-être vu de ses propres yeux ou dont elle a entendu parler). Elle ne considère pas un seul instant que son impureté peut contaminer Jésus. Au contraire, elle est persuadée que la puissance de Jésus est si forte qu’il lui suffit de toucher une infime partie de son vêtement pour que quelque chose se passe. Et c’est le cas, instantanément, elle est guérie ; elle le sent dans son corps, bien avant même que Jésus ne lui dise : « sois guérie de ton mal »…

Étonnant non ?

Ce qui a fait sens pour moi aujourd’hui en lisant ce texte, c’est le lien avec l’eucharistie et cette croyance de l’Eglise institution que l’état de péché permanent (et donc d’impureté, d’imperfection permanente) nous prive de l’état de grâce nécessaire pour recevoir la communion, ainsi que le pardon et la réconciliation avec Dieu. Dieu, dans cet évangile, semble avoir un avis différent sur la question !

Je me suis souvenue d’un échange, il y a plusieurs années, au cours d’un repas chez une amie catéchiste,. L’une de ses connaissances racontait qu’il n’avait jamais fait sa première communion, mais qu’à tous les enterrements il allait communier, car il sentait que c’était le seul moyen d’être en communion avec la personne décédée et de lui rendre hommage.

Je me souviens comme cela m’avait fait sourire à l’époque, et j’avais été touchée par la foi simple de cet homme. Oui, j’avais souri, parce ce que j’imaginais la réaction des prêtres et des théologiens en entendant cela, ou de tous ceux qui sont tellement attachés au droit, aux règles, à la morale.

Ah, la foi simple des pauvres gens, de ceux qui ne savent pas ce qui se fait ou ne se fait pas, mais qui se fient à l’intelligence du coeur, à l’élan de ce qui les traverse ! À l’encontre de toutes nos bien-pensances, Dieu, Lui, au travers de Jésus-Christ, rejoint ces pauvres et ces petits, et il se moque des règles d’impuretés ou d’impossibilités surinvesties par les hommes.

On dirait même que Jésus agit malgré lui, vu qu’il est surpris par cette force qui est sorti de lui, comme si cette force ne lui appartenait pas en propre, et qu’en réalité c’était l’Esprit du Père qui avait œuvré en lui, et qu’il adhère à ce qui vient de se passer, en proclamant la guérison de cette femme, advenue malgré lui (mais certainement pas malgré l’Esprit de Dieu, ni malgré elle).

Là encore, dans ce texte d’Evangile, on voit une femme qui ose l’impensable aux yeux des hommes, dérogeant à l’ordre établi, tout comme l’a fait la cananéenne en soulignant à Jésus que les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table des maîtres. Ce qui fit comprendre à l’homme Jésus qu’il n’était pas venu uniquement pour sauver les brebis perdues d’Israël, mais que le Salut était pour tous (et toutes!).

Il semble que dans cette histoire proposée par la liturgie d’aujourd’hui, l’homme Jésus découvre quelque chose de nouveau sur lui-même et sur sa mission. Et c’est l’audace d’une femme, considérée comme impure et qui n’a plus rien à perdre, qui le lui le révèle. Il fait l’expérience qu’une force peut sortir de lui à son insu, et qu’il est donc l’instrument -l’outil, le chenal-, d’une puissance plus grande que lui et qui le dépasse. Une puissance qui peut être sollicitée à son insu et dont il n’est pas maître ; mais à laquelle il choisit malgré tout de dire oui, après coup, restant acteur de la grâce donnée à travers lui et confirmant qu’il n’est pas juste une marionnette dans les mains du Père.

Il y a là ici un comportement extrêmement humble de la part de Jésus, une soumission à plus grand que Lui, qui pourrait faire réfléchir de nombreux prêtres qui pensent qu’eux seuls sont maîtres de l’action de Dieu à travers eux, dans les sacrements en particulier, comme s’ils pouvaient contrôler la puissance de Dieu, et l’actionner ou pas selon leur propre décision.

Aussi, quand nous prions sur le pain et le vin, qui est à l’origine de l’action de l’Esprit qui transforme ces espèces en Corps et Sang du Christ ? Le prêtre qui étend les mains ou le peuple des fidèles qui implore la présence du Christ ici et maintenant et fait mémoire de Lui ? On tient tellement pour acquis, que seul le prêtre, agissant au nom de Jésus-Christ, consacre les hosties… mais qui vient prendre chair dans le pain et le vin consacrés sinon Dieu seul ?

Assurément, pas même l’humanité de Jésus, pourtant reconnu comme « Fils de Dieu », ne peut empêcher l’action de l’Esprit quand celui-ci a décidé d’agir, car sollicité par une foi, une confiance, une détresse aussi, qui l’émeut et le touche au profond de ses entrailles de Père.

Même Jesus a fait l’expérience que Dieu peut agir à travers lui sans qu’il l’ait décidé à l’avance. Encore une fois, c’est le Divin qui reste plus grand que l’humain, et aucun humain sur cette terre ne peut le contenir ni avoir le contrôle sur Lui, et décider à sa place. Même si ce divin n’agit jamais sans notre accord et sans notre participation.

Dans le miracle suivant, qui arrive juste après celui de la femme aux pertes de sang, il semble que ce soit l’inverse. Dans ce cas, c’est Jésus qui sollicite l’impossible auprès de l’Esprit, avec une confiance qui dépasse la moquerie, pour redonner vie à une jeune fille déjà morte. Dans quelle mesure ce qui s’est passé sur le chemin avec la femme aux pertes de sang a interféré avec ce second miracle et permis à Jésus de ramener une fille de la mort à la vie ? C’est une question que je me pose et à laquelle je n’ai pas de réponse.

Tout comme je me questionne sur cet évangile qui nous parle de deux femmes, à deux âges différents de la vie, avec ce nombre 12 qui revient dans les deux cas, nombre 12 qui dans la Bible symbolise l’élection, le choix divin.

Qu’est-ce que cela veut nous dire des femmes et de l’appel des femmes par le Divin ? Que vient nous enseigner la guérison de ces deux femmes, toutes deux des cas désespérés ? Et ce lien entre sang, femmes, résurrection et nourriture (car Jésus fait manger la jeune fille juste après l’avoir ramenée à la vie) ?

L’une a l’audace d’implorer et de contrer le cadre, l’autre ne demande rien (mais son père implore pour elle !). Toutes deux sont guéries. L’une sauvée par sa propre foi, l’autre par la foi d’un autre, mais toutes les deux par l’intermédiaire de Jésus, et de sa foi en plus grand que lui.

Je suis loin d’avoir reçue toutes les lumières sur cet évangile, et c’est tant mieux, mais ce qui me paraît une évidence aujourd’hui c’est que nous avons tort de penser savoir, et maîtriser, quand et comment Dieu agit.

Et je me trouve confortée dans la pensée que l’Eglise magistérielle se trompe en refusant les sacrements à ceux qu’elles considèrent comme indignes, impurs et en péché permanent, sans prendre en compte le désir de leur cœur ou de ceux qui leurs sont proches.

Dieu lui semble ne pas les rejeter, et quand ils ont l’audace et le culot de s’approcher de Lui au mépris de toutes les règles (et aucun homme d’Eglise ne peut empêcher ça, Dieu merci ☺️), Lui il écoute le faible et l’opprimé, et il répond à l’audace du coeur. Que cette audace se manifeste pour implorer son propre secours ou celui d’un autre.

Et je me trouve également confortée dans l’idée que Dieu appelle aussi des femmes à son service, et même aux service des sacrements. Car cet évangile évoque des mots forts mis au côté les un des autres : sang, femmes, élection (nombre 12), force, guérison, mort, vie, nourriture… Je ne sais pas encore comment agencer tout cela, mais il me semble qu’il y a matière à recevoir et à découvrir quelque chose de nouveau pour l’Eglise d’aujourd’hui dans ce texte.

Belle poursuite de réflexion à chacun et chacune d’entre vous. Ce passage d’Evangile mérite d’être relu et reçu à nouveau (vous pouvez le relire ci-dessous). CAR RIEN N’EST IMPOSSIBLE À DIEU ! 🤗

J’ai envie de finir ce partage avec le psaume du jour associé à cet évangile de Marc.

PSAUME

(Ps 85, 1-2, 3-4, 5-6)

R/ Écoute, Seigneur, réponds-moi ! (Ps 85, 1a)

Écoute, Seigneur, réponds-moi,

car je suis pauvre et malheureux.

Veille sur moi qui suis fidèle, ô mon Dieu,

sauve ton serviteur qui s’appuie sur toi.

Prends pitié de moi, Seigneur,

toi que j’appelle chaque jour.

Seigneur, réjouis ton serviteur :

vers toi, j’élève mon âme !

Toi qui es bon et qui pardonnes,

plein d’amour pour tous ceux qui t’appellent,

écoute ma prière, Seigneur,

entends ma voix qui te supplie.

ÉVANGILE

« Jeune fille, je te le dis, lève-toi ! » (Mc 5, 21-43)

En ce temps-là,

Jésus regagna en barque l’autre rive,

et une grande foule s’assembla autour de lui.

Il était au bord de la mer.

Arrive un des chefs de synagogue, nommé Jaïre.

Voyant Jésus, il tombe à ses pieds

    et le supplie instamment :

« Ma fille, encore si jeune, est à la dernière extrémité.

Viens lui imposer les mains

pour qu’elle soit sauvée et qu’elle vive. »

    Jésus partit avec lui,

et la foule qui le suivait

était si nombreuse qu’elle l’écrasait.

    Or, une femme, qui avait des pertes de sang depuis douze ans…

    – elle avait beaucoup souffert

du traitement de nombreux médecins,

et elle avait dépensé tous ses biens

sans avoir la moindre amélioration ;

au contraire, son état avait plutôt empiré –…

     cette femme donc, ayant appris ce qu’on disait de Jésus,

vint par derrière dans la foule et toucha son vêtement.

    Elle se disait en effet :

« Si je parviens à toucher seulement son vêtement,

je serai sauvée. »

    À l’instant, l’hémorragie s’arrêta,

et elle ressentit dans son corps qu’elle était guérie de son mal.

    Aussitôt Jésus se rendit compte qu’une force était sortie de lui.

Il se retourna dans la foule, et il demandait :

« Qui a touché mes vêtements ? »

    Ses disciples lui répondirent :

« Tu vois bien la foule qui t’écrase,

et tu demandes : “Qui m’a touché ?” »

     Mais lui regardait tout autour

pour voir celle qui avait fait cela.

    Alors la femme, saisie de crainte et toute tremblante,

sachant ce qui lui était arrivé,

vint se jeter à ses pieds et lui dit toute la vérité.

    Jésus lui dit alors :

« Ma fille, ta foi t’a sauvée.

Va en paix et sois guérie de ton mal. »

    Comme il parlait encore,

des gens arrivent de la maison de Jaïre, le chef de synagogue,

pour dire à celui-ci :

« Ta fille vient de mourir.

À quoi bon déranger encore le Maître ? »

    Jésus, surprenant ces mots,

dit au chef de synagogue :

« Ne crains pas, crois seulement. »

    Il ne laissa personne l’accompagner,

sauf Pierre, Jacques, et Jean, le frère de Jacques.

    Ils arrivent à la maison du chef de synagogue.

Jésus voit l’agitation,

et des gens qui pleurent et poussent de grands cris.

    Il entre et leur dit :

« Pourquoi cette agitation et ces pleurs ?

L’enfant n’est pas morte : elle dort. »

    Mais on se moquait de lui.

Alors il met tout le monde dehors,

prend avec lui le père et la mère de l’enfant,

et ceux qui étaient avec lui ;

puis il pénètre là où reposait l’enfant.

    Il saisit la main de l’enfant, et lui dit :

« Talitha koum »,

ce qui signifie :

« Jeune fille, je te le dis, lève-toi ! »

    Aussitôt la jeune fille se leva et se mit à marcher

– elle avait en effet douze ans.

Ils furent frappés d’une grande stupeur.

    Et Jésus leur ordonna fermement

de ne le faire savoir à personne ;

puis il leur dit de la faire manger.

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Une réflexion sur “L’audace récompensée

  1. Célestin OBAMA dit :

    « Les principes fléchissent: il nous faut le principe des principes. La loi est confuse: il nous faut la loi de toutes les lois », a écrit le prêtre théologien et psychothérapeute français Maurice BELLET dans son livre LA TRAVERSÉE DE L’EN-BAS.
    C’est ce que j’entends de la lumière qui vous a été donnée à la lecture de cet évangile de Marc.

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